Chapitre VIII

Comme l’avait prévu Frank Reeves, l’initiation sous-marine de Morane avait été relativement aisée. La vigoureuse constitution de l’ancien pilote, sa volonté de vaincre et son goût pour les exercices sportifs l’avaient grandement favorisé et, à la fin de la quatrième journée, après avoir atteint en compagnie de Frank, plus de quarante mètres de fond, il s’était senti capable de passer à la phase active de l’entreprise : la recherche de la galère engloutie.

Pendant les cinq premiers jours d’efforts au cours desquels les deux amis avaient consciencieusement exploré cinq des vallées creusées entre les arêtes du récif, la chance avait refusé de leur sourire. Les vallées visitées se révélèrent habitées seulement par des poulpes et des murènes à la gueule vorace.

Au matin du sixième jour, le vent se mit à souffler et la mer devint mauvaise. Les vagues venaient lécher rageusement le bordage de « La Belle Africaine ». Près du grand mât, Jérôme, secondé par un des marins, s’occupait à remplir les bouteilles d’air comprimé à l’aide du petit compresseur à essence. De son côté, Clairembart aidait Morane et Reeves à passer leurs combinaisons de caoutchouc mousse.

— Mauvais temps pour plonger, aujourd’hui, remarqua le vieux savant en réprimant un frisson.

Reeves haussa les épaules.

— À quelques mètres de profondeur, la mer est calme dit-il, car les attaques du vent ne s’y font plus sentir. Nous serons plus à l’aise, au fond, que vous autres ici, à l’air libre. Quand nous remonterons, soyez prêts à nous recueillir…

— Nous ne tenons pas à demeurer en panne au milieu des flots, surenchérit Morane.

— Ne craignez rien, répondit Clairembart avec gravité. Je préférerais voir « La Belle Africaine » couler sous mes pieds plutôt que de quitter ces lieux et vous abandonner.

Morane regardait le vieux professeur avec une sorte de tendresse admirative, car Clairembart avait parlé comme si, réellement, on avait pu le croire capable de désertion. Il avait pris la plaisanterie de Bob au sérieux parce que son âme était pure et droite et parce que la moindre allusion un peu équivoque le touchait au plus profond de cette pureté et de cette droiture.

— Nous n’avons pas pensé un seul instant que vous nous abandonneriez, fit Morane avec force. Comment pourriez-vous avoir une telle pensée quand votre seul désir est de nous accompagner au fond de la mer ?…

Clairembart se détendit.

— Il n’en est pourtant pas question, dit-il. Barboter à la surface ou à quelques mètres en dessous, passe encore mais vingt-cinq brasses est une profondeur interdite à mes vieux organes…

Pour cacher son émoi devant cet aveu d’impuissance Morane ricana.

— À votre âge, Professeur, Frank et moi roulerons peut-être dans une chaise roulante, à traction atomique sans doute, mais chaise malgré tout.

Reeves releva la tête. Occupé à se fixer sur les épaules les bouteilles d’air comprimé apportées par Jérôme, il avait suivi la conversation de façon fort distraite. Pourtant, les dernières paroles de Morane l’avaient frappé.

— Parle pour toi, Bob, dit-il en souriant. On sait que tu as toujours eu une prédilection marquée pour les engins motorisés. Moi, je m’en tiendrai jusqu’à ma mort au bon vieux compas du père Adam.

Morane se dressa, debout dans le vent et, la main sur le cœur, un bras à moitié levé, il se mit à déclamer sur un ton mélodramatique :

— Moi, Frank Reeves, l’homme aux trois Rolls Royce, aux six Cadillac et aux deux avions personnels, et j’en passe, jure de ne plus employer désormais, pour me rendre d’un point à un autre, que les fameux véhicules Jumelés « Pedibus Naturum ». À partir de cet instant, la vue de la moindre bicyclette me donnera des nausées…

Sanglé dans sa combinaison de plongée, l’enserrant des pieds à la tête comme la cotte de mailles d’un croisé, Morane avait réellement l’aspect d’un paladin de comédie prêtant serment de fidélité à son seigneur. Reeves le bombarda avec une palme de caoutchouc que Bob reçut en plein front.

Tous deux partirent d’un grand éclat de rire d’enfants heureux.

— Pour me venger, dit Morane, je découvrirai la galère avant toi…

— Je tiens le pari, répondit Frank.

— Quel en sera l’enjeu ?

— Tu le fixeras toi-même quand tu auras découvert la galère… si tu la découvres.

Complètement équipé, Frank eut un petit rire goguenard et se dirigea vers l’échelle. Une fois là, il abaissa son masque sur son visage et s’introduisit l’embout entre les dents. Aussitôt, il descendit vers les flots rageurs et s’y plongea. Vingt secondes plus tard, Morane suivait le même chemin. Clairembart, lui, avait les yeux fixés sur l’horizon pareil à une corde à linge agitée par le vent. Très loin, la silhouette sombre d’un voilier se dessinait, voilée par les embruns. Sous le ciel plombé, noyé de nuages menaçants, elle faisait songer à quelque oiseau de mauvais augure.

 

*
* *

 

Quand Bob avait franchi la surface tourmentée de la mer, la paix s’était faite. Chaque fois qu’il passait ainsi du monde aérien au monde marin, il éprouvait la même détente, le même relâchement de tout son être. La pesanteur avait cessé d’exister, et il évoluait avec aisance, tel un archange dans les cieux, sans crainte de choir au fond des gouffres s’ouvrant sous lui. Pourtant, il était seulement séparé du monde des hommes par la lame ténue, faite, eût-on dit, de métal brillant, de la surface, frontière entre deux univers aussi distincts l’un de l’autre que le sable de l’air. Là-bas, tout était furie, bruits et clarté aveuglante. Ici, l’homme devenu poisson dans le domaine des poissons, se sentait libre de toute entrave.

Sous lui, Morane voyait Frank, se détachant en bleu clair sur le fond sombre de la vallée, descendre lentement, par paliers. À intervalles réguliers, il rejetait une nuée de bulles d’air qui montait vers la surface à la façon d’une fumée. De chaque côté de la vallée, on discernait nettement les deux arêtes tentacules la délimitant et en faisant un monde à part, vigoureusement cloisonné.

Bob avait dépassé la zone jusqu’où parviennent les rayons rouges. À quinze mètres, l’orangé disparut et sa main elle-même, étendue devant son visage, était devenue d’un vert bleuté. Ensuite, tout fut parfaitement bleu et, seule, une lumière diffuse parvenait encore, enrobant toutes choses de mystère. Quand Morane levait la tête, il apercevait toujours le velum argenté de la surface vers laquelle les interminables chapelets de bulles d’air montaient en de fantastiques traînées lumineuses.

Quand Morane atteignit le fond, par quarante-cinq mètres, Reeves l’y attendait, assis sur un roc entre deux grandes gorgones aux ramifications infinies. Tout près, un troupeau de saupes passait en bon ordre faisant songer avec leurs corps rayés, à quelque théorie de forçats en balade.

Bob s’assit à côté de son ami et, tous deux s’entreregardèrent à travers leurs masques de plexiglas, comme pour dire :

— Allons-nous réussir cette fois ?

Bob haussa les épaules de façon fataliste, signifiant ainsi qu’il fallait s’en remettre au hasard. De toute façon, tous deux savaient que, si la galère se trouvait entre deux des tentacules de roc, ils la trouveraient.

Au bout de quelques instants, Reeves tendit le bras dans une direction. Il commencerait les recherches par là. Morane partirait dans le sens opposé. Quand le besoin de remonter se ferait sentir, ils se retrouveraient sur le chemin de la surface.

Déjà, Frank filait, dans un rapide battement de pieds et un envol de bulles d’air, et bientôt il disparut au tournant d’un rocher.

À son tour, Morane prit son essor. Il se dirigeait vers l’évasement des deux arêtes, tournant ainsi le dos au nœud granitique formant le corps de la « Pieuvre de roc ». Contrairement aux autres vallées explorées jusqu’alors, qui offraient toutes une dépression assez profonde mais régulière. Celle-ci, au contraire, se révélait encombrée de rochers plats dressés sur leur tranche pour former une série de murs disposés comme les éléments d’un labyrinthe. Évidemment Bob ne courait guère le risque de s’y égarer, car il pouvait toujours s’en échapper par le haut. Néanmoins, cette conformation du sol sous-marin rendait les recherches fort pénibles et hasardeuses.

Parfois, les rochers étaient troués de longs tunnels permettant de passer d’une galerie à une autre sans être obligé de franchir la muraille.

En traversant un de ces tunnels, Morane, qui tâtait de la main devant lui pour s’orienter, se sentit brusquement saisi au poignet par une sorte de lien mobile et vivant. Il tenta de se dégager d’une secousse, mais en vain. Sur sa peau, il sentait une série de contacts rugueux, comme si de nombreux boutons tentaient de pénétrer sa chair.

Déjà, Bob avait compris avoir affaire à un poulpe. À présent, il apercevait l’animal accolé à la roche et le regardant fixement de ses grands yeux d’or. À vrai dire, il était de taille modeste, à peine plus gros que ceux vus jadis par Bob au fond de barques de pêcheurs, sur la Côte d’Azur. On était loin des octopus monstrueux qui, s’il faut en croire les légendes, sont la terreur des plongeurs des mers du sud. « Un « kraken » en miniature, songea Bob, juste bon à faire peur aux tout petits enfants. ». Cependant quand il essaya à nouveau de se dégager, il n’y parvint pas. L’animal, rivé au rocher par ses ventouses, tenait bon et le tentacule fixé autour du poignet de Morane possédait la souplesse d’une liane et la puissance inflexible d’une menotte d’acier.

Avec curiosité, Bob contemplait l’animal, sans parvenir à ressentir une rancune ou répulsion quelconque à son égard. Les yeux d’or le contemplaient sans férocité. Il y avait plutôt en eux de l’étonnement, ou de la peur.

Une fois de plus, le plongeur banda, à les rompre, ses muscles d’athlète et, une fois de plus, la pieuvre résista victorieusement Cette petite masse de gélatine tenait en échec les quatre-vingts kilos de chair et d’os de l’homme étonné. Entre Bob et l’animal, un malentendu devait exister, car ils ne se sentaient pas ennemis.

« Ennemis ou pas ennemis, songea Bob, cette situation ne peut s’éterniser. Tu es bien gentille, petite pieuvre, mais puisque tu ne veux pas me lâcher, je vais devoir jouer du couteau à mon grand regret…». Il cessa de se débattre et, de sa main libre, voulut tirer son couteau. À ce moment, l’étreinte du poulpe se relâcha et le plongeur se retrouva libre. Surpris, Bob lâcha le manche de son arme. Aussitôt, il comprit que, seule, la décontraction de ses muscles avait amené la bête à lâcher prise. « Mieux vaut douceur que violence, se dit-il. Rien de tel qu’un geste de paix, du moins vis-à-vis des animaux, pour mettre fin à un état de guerre…

La pieuvre avait maintenant quitté le rocher et, s’était mise en parapluie, flottait mollement. Ses yeux dorés témoignaient toujours de la même indifférence sereine. Morane tendit un bras, aux muscles relâchés cette fois, dans sa direction. Il la toucha et sentit la caresse des tentacules mais les ventouses ne réagirent pas. Déjà, d’un bond soudain l’animal s’était mis hors de portée, pour s’immobiliser aussitôt, à la façon d’une bête familière qui veut jouer. Bob voulut l’atteindre à nouveau, mais elle fila rapidement dans l’étendue pourpre.

Alors, la poursuite amicale commença, l’homme lancé à la façon d’un enfant derrière quelque oiseau moqueur. De rocher en rocher, poursuivant et poursuivi bondissaient en une paisible partie de cache-cache. À un moment donné, le poulpe s’arrêta à un tournant du labyrinthe. Morane, d’un rapide battement de palmes, fila vers lui, tentant de le saisir, mais ses mains se refermèrent seulement sur l’eau. L’animal s’était dérobé.

À nouveau, Morane se lança à sa poursuite mais, soudain, il s’immobilisa, pétrifié par le spectacle s’offrant à ses regards. Devant lui, la galère reposait entre deux murs rocheux. À vrai dire, elle n’avait plus rien d’un vaisseau qui, jadis, avait fait la fierté des anciens, acharnés à conquérir les océans. À moitié envasée recouverte d’algues et de concrétions calcaires, démâtée, ses flancs écrasés, elle avait pris elle-même l’apparence du rocher. Pourtant, Bob la reconnut aussitôt ou, tout au moins, crut la reconnaître.

Au bout de quelques secondes cependant, l’incrédulité gagna Morane. Depuis vingt siècles, d’autres bateaux avaient passé par là et pouvaient avoir coulé eux aussi. Rien ne prouvait qu’il s’agissait bien de la galère d’Octavius Pondinium. La « pieuvre de roc » pouvait retenir d’autres épaves entre ses tentacules.

Sans même se commander, Bob planait déjà au-dessus du vaisseau en ruine. La première chose qu’il remarqua fut qu’il n’était pas ponté comme les bateaux modernes. Évidemment, le pont pouvait être affaissé mais, à l’avant de l’épave, Morane découvrit, complètement enrobé d’algues, un long éperon de bronze s’avançant à la façon d’un mât de beaupré. « Un rostre, songea-t-il. Il s’agit donc bien là d’un vaisseau antique ».

Saisi par une sorte de fièvre, Bob se mit à explorer l’épave avec minutie, écartant les chevelures de végétation marine et brisant les sécrétions coralliennes. Devant lui, des colonies entières de petits poissons fuyaient en désordre et, parfois, une murène aux redoutables mâchoires jaillissait de son trou, semblable à un serpent aquatique. Tout à coup, Morane tomba en arrêt devant une masse ressemblant vaguement à des gueules de canons étroitement jumelées et couvertes de coraux. À coups de couteau, Bob brisa les formations calcaires et reconnut alors que ce qu’il avait pris pour des gueules de canons étaient en réalité les cols d’une douzaine de grandes amphores entassées les unes contre les autres. Elles étaient encore hermétiquement closes et, sur les bouchons d’argile, une fois ceux-ci vigoureusement frottés, Bob crut discerner l’image gravée du scarabée sacré d’Égypte, entourée de quelques signes hiéroglyphiques.

« La galère…, pensait Bob avec une sourde allégresse. Aurais-je enfin découvert la galère ? » Une nouvelle trouvaille devait bientôt venir le fortifier dans cette supposition. Au milieu de l’épave, à moitié enfouie dans la vase, une longue forme rectangulaire apparaissait, étoilée d’actinies. Cela ressemblait à un cercueil gigantesque et, aussitôt, dans l’esprit de Morane, ce mot de cercueil s’associa tout naturellement à celui de sarcophage.

Usant encore de son robuste coutelas, Bob se mit à racler la surface du sarcophage – si sarcophage il y avait. Il travaillait rapidement, soulevant de petits nuages de vase et faisant voler autour de lui des fragments de madrépores. Au bout de quelques minutes de ce labeur, une surface de pierre lisse se révéla et, gravé dans cette pierre lisse, plusieurs signes héraldiques de l’ancienne Égypte, comme le tau et le scarabée.

Cette fois, Morane ne pouvait plus douter. Il se trouvait bien devant le sarcophage de la princesse Nefraït, et cela grâce à cette petite pieuvre qui, tel un lutin aquatique, l’avait conduit à son but. Il aurait voulu crier son allégresse, mais le milieu dans lequel il évoluait l’en empêchait. Alors, il songea qu’il devait partager sa joie avec ses compagnons. Avec Reeves qui, là-bas, quelque part dans la vallée, recherchait lui aussi la galère engloutie. Avec le professeur Clairembart qui, à bord de « La Belle Africaine », attendait avec anxiété leur retour…

De la lame de son poignard, Morane frappa ses bouteilles selon un code convenu entre lui et Frank. Trois coups rapprochés trois espacés. Si loin que pouvait être Reeves, il entendrait ce signal, car, dans l’eau, les sons se propagent à une grande vitesse. Après quelques secondes d’attente, Bob frappa à nouveau ses bouteilles pour permettre à Frank de se guider sur le bruit. Quand il répéta l’appel pour la huitième fois, une forme piqua vers lui, dans laquelle il reconnut son ami.

Du regard à travers la vitre de son masque, l’Américain interrogeait Morane. Ce dernier lui désigna les amphores cachetées du scarabée sacré, puis le sarcophage et les signes qu’il venait de mettre à jour. Déjà, Reeves empoignait son compagnon de plongée par les épaules et, emporté par l’allégresse, le faisait tournoyer en une valse extrêmement lente à cause de la résistance du milieu aquatique.

Quand cette euphorie se fut un peu calmée, ils reprirent pied non loin des amphores. Sous son talon, Reeves sentit un contact dur. Il se baissa et ramassa l’objet qui, nettoyé rapidement, se révéla être une poignée de glaive gravée de caractères fort effaces par l’oxydation mais qui, peut-être à en juger par un premier examen, appartenaient à l’alphabet romain. Reeves passa l’objet dans sa ceinture et, de la main, désigna la surface, montrant ainsi qu’il était temps de remonter pour apporter la bonne nouvelle au professeur Clairembart. Mais, par gestes également, Morane lui signifia d’attendre encore. Il déroula alors une longue ligne en nylon portant, attaché à l’une de ses extrémités, un crochet destiné à la fixer au fond et, à l’autre extrémité, un flotteur de liège peint en rouge. Une fois la ligne solidement accrochée, Bob libéra le liège qui monta aussitôt vers la surface à la façon d’un ballon de baudruche dans l’air. Grâce à ce repère, il serait facile, par la suite, de retrouver l’emplacement exact de la galère.

Au moment où Morane achevait cette besogne, l’air vint à lui manquer, et il dut ouvrir sa réserve.

En même temps, les deux amis commencèrent à s’élever mais, au moment où ils allaient s’arrêter pour leur premier palier de décompression, Reeves attira l’attention de Bob sur une forme fuselée qui, sortie des lointains pourprés fondait dans leur direction. Un requin. Dans l’ambiance sous-marine, il paraissait énorme, et sans doute l’était-il. Son grand aileron dorsal fendait l’eau à la façon d’une hache.

Arrivé à cinq mètres des hommes, le squale vira, offrant aux regards son ventre pâle. C’était une merveilleuse bête finement et puissamment carénée, avec une grande queue en forme de faux et une tête effilée. Visiblement, les plongeurs, poissons inhabituels, l’intriguaient et il tentait de se rapprocher d’eux pour les inspecter de ses petits yeux froids et myopes. Son raisonnement devait se limiter à ces deux alternatives : « Dangereux ou non ? Bons à manger ou non ? »

Peu à peu, il se rapprochait des deux amis en décrivant autour d’eux une série de cercles concentriques. Reeves, habitué aux mangeurs d’hommes de la mer des Caraïbes – et à leur horreur du bruit – ne semblait pas troublé le moins du monde. Il tira son couteau et frappa ses bouteilles. Dans un grand coup de queue, le requin fila vers les lointains, s’y perdit pour reparaître aussitôt et foncer plus rapidement encore vers les plongeurs. Frank frappa une seconde fois ses bouteilles, ce qui provoqua à nouveau la panique du squale.

Le requin paraissait bien s’être éloigné à jamais, mais, un peu avant le second palier, il revint. Bien décidé cette fois, semblait-il, à s’assurer de l’identité des deux intrus. Il passa si près des deux hommes que Morane put nettement voir l’effroyable croissant de sa gueule ornée de dents triangulaires. Cependant, le bras de Frank s’était détendu et la pointe de son couteau avait piqué mollement dans le ventre blanc. Ce fut comme si une grenade sous-marine explosait. Pris dans le remous provoqué par le coup de queue donné par le squale au moment où celui-ci se dégageait pour fuir, Frank et Bob tourbillonnèrent sur eux-mêmes, comme deux bêtes affolées…

Quand ils eurent retrouvé leur équilibre, le requin avait disparu. Frank pointa un doigt vers le haut et, d’un même élan, les deux hommes montèrent vers ce gigantesque écran de lumière marquant à la fois la fin d’un monde et le commencement d’un autre. À ce moment, Morane remarqua que, lors de l’attaque du requin, il n’avait même pas senti la crispation de l’angoisse. Peut-être son allégresse agissait-elle un peu à la façon d’un anesthésique. La galère engloutie avait été retrouvée et, avec elle, probablement, les restes de la mystérieuse princesse Nefraït. Pour Morane, Reeves et le professeur Clairembart, il ne pouvait sans doute exister de plus grand bonheur…

 

La Galère Engloutie
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